C’est le cas de Benoit Chartier, éditeur du journal Le Clairon de Saint-Hyacinthe et président de l’association Hebdos Québec, qui ne mâche pas ses mots concernant les agissements de Meta.
« Facebook, ce sont des gens de mauvaise foi à la base. Ils font tout pour contrecarrer les médias canadiens et québécois. […] Depuis un an avec la Loi sur les nouvelles en ligne, je réalise que les deux géants du Web, Meta et Google, désirent la disparition des médias traditionnels canadiens. Ils veulent notre revenu publicitaire et, tant qu’on est là, on est un paquet de trouble pour eux », explique M. Chartier, désabusé, ajoutant que les géants du Web dépensent actuellement des millions de dollars en lobbying à Ottawa pour contrecarrer les médias canadiens.
Le député de Saint-Hyacinthe–Bagot, Simon-Pierre Savard-Tremblay, déplore également l’attitude de Meta. « Ça a été très difficile. On espère encore une résolution harmonieuse. Ça n’empêche pas que cette loi était nécessaire. […] Ces géants-là ont le droit de faire du profit, mais ils doivent respecter les lois et les us et coutumes d’un pays où ils investissent et ouvrent des marchés », ajoute-t-il.
Tout comme le rapportent d’autres médias québécois, Benoit Chartier affirme que la crise anticipée lors du blocage des nouvelles par Meta ne s’est pas concrétisée. « Mise à part la perte de visibilité sur Facebook et d’avoir moins de redirections sur notre site Web, il n’y a pas d’autres conséquences, même pas monétaires. »
Le député fédéral estime même que le réseau social a perdu de son lustre. « Meta a beau prétendre que ça n’a pas affecté ses plateformes. Dans les faits, la qualité, grâce à la joie des algorithmes, n’est plus la même. Je vois des photos de chats sur mon fil d’actualité sur Facebook, alors que c’est évident que mes centres d’intérêt sont vers la politique. C’est maintenant un réseau social de vidéos de chat et de blagues », renchérit-il.
En plus de l’enjeu relié à la Loi C-18, Benoit Chartier souligne un autre enjeu, soit la demande des géants du Web au gouvernement canadien d’abroger la loi sur les droits d’auteur.
Le développement de l’intelligence artificielle (IA) soulève beaucoup de craintes, si bien que la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC) a demandé que cette loi ne soit pas modifiée pour offrir de nouvelles protections à l’IA. Rappelons que lorsqu’un usager pose une question à l’IA, bien souvent, ce dernier puise ses réponses dans des sources journalistiques en ligne.
« Ils veulent éviter de payer nos droits d’auteurs dans ces cas-là, laisse tomber M. Chartier. Parfois, l’IA répond aux internautes avec nos réponses à nous, mais ils ne nous rétribuent pas pour ça. Leur objectif est de ne pas nous rétribuer dans le futur. Ils veulent changer la loi dans ce sens. On s’oppose à ça, mais ils disent que si la loi ne change pas, ils vont arrêter toute recherche et développement au Canada en intelligence artificielle. C’est juste de la mauvaise foi! »
Concernant l’avènement de l’intelligence artificielle, M. Savard-Tremblay est plus nuancé dans ses propos. « Ça ne sert à rien de nier la direction du vent. On ne peut pas contrôler la marée, mais on peut construire des digues fluviales, par exemple. La montée de ces intelligences artificielles, il faut l’accueillir avec prudence. Je suis pour le progrès à condition qu’on se demande si ça permet de renforcer l’humanité ou si ça vient nous déshumaniser. »
Bien qu’elle fût sans hésitation la bonne chose à faire, la loi C-18 devrait être mise à jour, estime-t-il. Entre autres, M. Savard-Tremblay aimerait étendre le crédit d’impôt présentement offert aux journaux ayant des salles de nouvelles aux détenteurs de licence de radiodiffusion et télédiffusion. Il propose également de mettre en place un fonds d’aide pour la transition numérique des médias.
« Meta tient son bout et ne changera pas. […] Ce sont des géants à sept têtes qui sont en train de démolir carrément le journalisme mondial », conclut Benoit Chartier.
Avec la collaboration de Sarah-Eve Charland