26 mars 2024 - 10:01
Décès de Yves Michaud : l’ancien rédacteur en chef du Clairon devenu le Robin des banques
Par: Le Clairon de Saint-Hyacinthe et région

Yves Michaud (à gauche) en grande conversation avec le premier ministre Jean Lesage lors des festivités du 50e anniversaire du Clairon en 1961. Entre les deux hommes, on remarque René Saint-Pierre, député provincial de Saint-Hyacinthe à l’époque. Photo Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, Fonds CH548 Raymond Bélanger, photographe

Yves Michaud est décédé mardi le 19 mars 2024 à l’âge de 94 ans.

Journaliste, politicien et homme d’affaires, celui que l’on surnommait « le Robin des banques » est né à Saint-Hyacinthe le 13 février 1930. Il était le fils de Jean-Baptiste Michaud et de Robertha Robert. Il étudie à l’Académie Girouard, puis au Séminaire de Saint-Hyacinthe. En 1959, il est diplômé du Centre international de journalisme de l’Université de Strasbourg. La même année, il obtient une bourse du Conseil des arts du Canada.

En 1954, il fait son entrée au journal Le Clairon, alors propriété de T.-D. Bouchard. Il s’agissait d’un journal résolument libéral, contrairement au Courrier qui défendait plutôt les idées de l’Union nationale de Maurice Duplessis. Il en est d’abord le rédacteur en chef, puis le directeur. Il quitte Le Clairon en 1962 pour devenir rédacteur en chef du journal La Patrie jusqu’en 1966. C’est alors qu’il prend la décision de se lancer en politique. Il brigue les suffrages pour le Parti libéral dans le tout nouveau comté de Gouin, élections qu’il remporte par une majorité de 2799 voix sur le candidat de l’Union nationale.

Un an avant la fin de son mandat, il décide de siéger comme libéral indépendant. Il est en désaccord avec la décision de son parti d’appuyer le loi 63 du gouvernement unioniste de Jean-Jacques Bertrand. Cette loi devant faire la promotion de la langue française n’était pas assez contraignante au goût de Yves Michaud et de quelques autres libéraux, dont René Lévesque, qui quittent le parti avec fracas. Michaud lui-même baptise ce mouvement « l’opposition circonstancielle ».

Lors des élections suivantes, en 1970, Michaud, qui est de retour dans le giron libéral maintenant dirigé par Robert Bourassa, perd le comté de Gouin par une faible majorité de 12 voix en faveur du candidat péquiste, Guy Joron. Lors des élections de 1973, son ami René Lévesque le convainc de se présenter pour le Parti québécois dans Bourassa, mais il est défait. Entre 1970 et 1973, il est haut-commissaire à la Coopération au ministère des Affaires intergouvernementales.

Après sa défaite électorale en 1973, il revient au journalisme. Il dirige le journal Le Jour de 1973 à 1976. Après la première victoire du Parti québécois, il devient conseiller aux Affaires internationales du premier ministre René Lévesque. De 1979 à 1984, il sera délégué du Québec à Paris. En 1995, il sera président-fondateur de l’Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec. Cette cause, qui lui vaudra le surnom de « Robin des banques » sera, avec la protection de la langue française, l’un de ses deux sujets de prédilection. Yves Michaud s’exprimait dans un français châtié avec un ton naturellement théâtral qui devint sa marque de commerce.

Il publie au cours de sa carrière plusieurs essais politiques, dont Paroles d’un homme libre en 2000 et Les raisons de la colère en 2005. Ce dernier livre est un florilège de plusieurs articles écrits par Michaud depuis les années 1950 jusqu’aux années 2000. Il s’agit d’un livre passionnant qui nous fait découvrir un homme qui a souvent dérangé, mais dont la parole a toujours été d’une grande pertinence. Le 14 décembre 2000, il se retrouve au cœur de la tourmente lorsqu’il reçoit un blâme unanime de l’Assemblée nationale du Québec qui l’accuse d’avoir prononcé des paroles antisémites.

La veille, lors de son témoignage aux États généraux sur la situation de la langue française au Québec, il souhaite aux Québécois de posséder, comme le peuple juif, une âpre volonté de survivance. Durant toute la dernière partie de sa vie, Michaud sera miné par cette accusation injuste.

En 2011, il reçoit une lettre d’excuse de 51 élus qui avaient appuyé la motion onze ans plus tôt. En 2022, la députée solidaire Ruba Ghazal, dans un geste de réparation symbolique, lui remet la médaille de l’Assemblée nationale.

Martin Ostiguy | historien au Centre d’histoire

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